Pandémie et santé mentale: quels sont les impacts de la COVID-19 sur la santé psychologique des adultes?
Dans le but de mieux comprendre les enjeux de santé mentale liés à la pandémie actuelle, le CRISE propose une série de courtes synthèses de la littérature scientifique disponible sur les impacts de cette pandémie pour différents groupes de la population. Ce qui suit constitue la deuxième synthèse de la série. Elle concerne les impacts de la pandémie sur la santé mentale des adultes. Voir aussi : Impacts de la pandémie sur la santé mentale des jeunes.
Des études menées en Chine rapportent des taux élevés de détresse psychologique liée à l’épidémie de COVID-19. Les impacts psychologiques seraient toutefois atténués notamment par le fait de disposer d’informations exactes, précises et satisfaisantes concernant l’état de la situation sanitaire et les mesures de précaution à prendre.
Par exemple, dans deux études, Wang et al. (2020) rapportent qu’au stade initial de l’épidémie, 53,8% des répondants évaluent l’impact psychologique de l’épidémie comme étant modéré ou sévère. En outre:
- 16,5% disent éprouver des symptômes dépressifs modérés à sévères;
- 28,8% disent éprouver des symptômes d’anxiété modérés à sévères;
- Et 8,1% évaluent leur niveau de stress comme modéré ou élevé.
Aucune baisse significative n’était observée quatre semaines plus tard, alors que l’épidémie atteignait un sommet.
Par ailleurs, au début de l’épidémie, plus du trois-quarts des répondants (75,2%) se disaient inquiets de la possibilité qu’un ou des membres de leur famille contracte le virus.
Quatre semaines plus tard, l’impact de l’épidémie sur le niveau de détresse semble avoir légèrement diminué, mais les scores restent élevés pour les symptômes de trouble de stress post-traumatique.
Deux recensions avec méta-analyse (Ren et al., 2020; Salari et al., 2020) rapportent aussi des taux élevés de symptômes dépressifs et d’anxiété. Ren et al. (2020) soulignent toutefois que les taux varient beaucoup en fonction de l’échelle utilisée. Par exemple, la prévalence de symptômes d’anxiété variait de 36% à 11%, selon l’échelle de mesure employée.
Une autre étude de plus petite ampleur (263 participants) menée dans la province de Liaoning en Chine rapporte pour sa part qu’en moyenne, le stress lié à l’épidémie est « léger ». Seulement 7,6% des répondants obtenaient des scores élevés sur une échelle d’impact de l’épidémie sur leur niveau de stress.
- La majorité des participants (57,8%-77,9%) disaient recevoir plus de soutien de la part de leurs amis ou de membres de la famille et partager un plus grand sentiment de partage et de soins (caring) avec les membres de leur famille et avec les autres en général.
Facteurs qui augmentent la détresse et le stress
Les quelques études disponibles identifient certains facteurs qui augmenteraient le risque de vivre de la détresse psychologique, de se sentir seul ou de vivre un stress élevé lié à l’épidémie.
Facteurs associés à plus de détresse psychologique
Une étude espagnole identifie les facteurs suivants comme augmentant le niveau de détresse psychologique vécue dans le contexte de la pandémie de COVID-19:
- Être une femme
- Être plus jeune
- Avoir une perception négative de soi associée au fait de vieillir
- Être plus exposé aux nouvelles concernant la COVID-19
- Avoir plus de contacts avec des membres de la famille qui ne résident pas à la même adresse
- Avoir moins d’émotions positives
- Avoir un plus faible sentiment d’efficacité personnelle
- Avoir un sommeil de moindre qualité
- Se sentir plus seul
Facteurs associés à un plus grand sentiment de solitude
La même étude espagnole identifie les facteurs suivants comme augmentant le risque de se sentir seul dans le contexte de la pandémie de COVID-19:
- Être une femme
- Être plus jeune
- Avoir une perception négative de soi associée au fait de vieillir
- Être plus exposé aux nouvelles concernant la COVID-19
- Avoir moins de contacts avec les membres de sa famille
- Se sentir comme un fardeau
- Avoir moins d’émotions positives
- Avoir moins de ressources pour se divertir
- Avoir un sommeil de moindre qualité
Facteurs associés à de plus haut niveau de stress, d’anxiété et de symptômes dépressifs
Une étude chinoise identifie les facteurs suivants comme associés à un plus grand impact psychologique de l’épidémie, ainsi que de plus hauts niveaux de stress, d’anxiété et de symptômes dépressifs:
- Être une femme
- Être étudiant
- Avoir certains symptômes physiques (ex. : myalgie, étourdissements)
- Avoir une mauvaise perception de sa santé physique
Facteurs réduisant la détresse psychologique associée à la pandémie
Les deux études de Wang et al. (2020) identifient quelques facteurs qui semblent atténuer les effets psychologiques négatifs de l’épidémie de COVID-19:
- Disposer de renseignements précis et exacts concernant la santé (ex.: traitement, état de la situation) et les mesures de précaution à prendre (ex.: lavage des mains, port du masque, etc.)
- Être satisfait des informations de santé dont on dispose
- Avoir une grande confiance envers les médecins
- Avoir la perception que son risque de contracter le virus est faible et que ses chances de survie sont très élevées advenant une infection.
Ces facteurs étaient associés à un moins grand impact psychologique négatif et à de plus bas niveaux de stress, d’anxiété et de symptômes dépressifs en lien avec l’épidémie.
Retour au travail: quel impact sur la santé mentale?
Une étude (Tan et al., 2020) s’est intéressée spécifiquement au retour au travail des adultes, cherchant à quantifier l’effet psychologique immédiat d’un retour au travail durant l’épidémie de COVID-19 et l’impact des mesures de prévention en milieu de travail. Contrairement aux attentes, le retour au travail ne semblait pas avoir causé d’impact psychologique majeur chez les répondants. De faibles taux d’anxiété, de symptômes dépressifs, de stress et d’insomnie sont rapportés.
Les personnes qui se disaient en mauvaise santé physique et celles qui percevaient leur retour au travail comme un risque pour leur santé avaient des symptômes psychiatriques plus sévères.
Au contraire, les personnes qui prenaient des mesures de précaution comme se laver les mains ou porter un masque et celles qui travaillaient dans une organisation ayant mis en place des mesures d’hygiène préventives avaient des symptômes psychiatriques moins graves.
Quarantaine, isolement et santé mentale
Des études menées dans divers contextes non liés à la COVID-19 révèlent toutefois que la quarantaine et l’isolement peuvent avoir un impact négatif important sur la santé mentale.
Dans une recension-cadre, Hossain et al. (2020) rapportent que chez les patients et les aidants naturels ayant vécus la quarantaine et l’isolement dans différents contextes, on trouve une prévalence élevée de symptômes de dépression, d’anxiété, de troubles de l’humeur, de trouble de stress post-traumatique, d’insomnie, et plus encore.
De même, dans une revue rapide de la littérature sur l’impact psychosocial des mesures de quarantaine durant les épidémies sérieuses de coronavirus avant la COVID-19, Röhr et al. (2020) rapportent que ces mesures sont systématiquement associées à des conséquences psychosociales négatives, incluant: symptômes dépressifs, anxiété, colère, stress et stress post-traumatique. Une plus longue durée de quarantaine et une perte de revenus associée augmenteraient le risque de ressentir des effets négatifs.
Comment interpréter ces résultats?
Il existe encore peu d’études sur l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale. Les résultats présentés ici restent à être validés par d’autres études et dans d’autres contextes. Par exemple, il serait intéressant d’évaluer les effets psychologiques de la COVID-19 sur des groupes spécifiques au sein de la population, par exemple les personnes qui ont contracté le virus. Talevi et al. (2020) rapportent des taux très élevés de symptômes de stress post-traumatique chez les patients atteints et hospitalisés, juste avant leur congé de l’hôpital. Ces données préliminaires suggèrent l’importance d’évaluer plus en profondeur l’impact pour ces personnes.
Par ailleurs, les facteurs associés aux symptômes et problèmes de santé mentale peuvent être différents dans différentes cultures, ainsi que la réalité des exigences de la quarantaine dans la vie quotidienne qui sont associées aux problèmes de santé mentale. Les pays varient par rapport aux limitations imposées, les programmes de soutien au revenu des ménages, et les messages véhiculés par les médias et le gouvernement. Des recherches réalisées au Québec et au Canada devraient être publiées au cours des prochains mois, qui pourraient identifier des facteurs de risque et de protection différents.
Enfin, il importe de souligner que les facteurs qui augmentent le risque de déclarer des symptômes ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux qui augmentent le risque d’avoir un trouble de santé mentale. Par exemple, deux études citées plus haut identifient le fait d’être une femme comme facteur de risque d’avoir plusieurs symptômes. Or, de nombreuses recherches indiquent que les femmes identifient davantage leurs symptômes, alors que les hommes ont plus tendance à les nier ou les ignorer. Ce sont toutefois les hommes qui sont généralement plus à risque de développer un trouble de santé mentale.
Références
- Hossain MM, Sultana A, Purohit N. (2020). Mental health outcomes of quarantine and isolation for infection prevention: A systematic umbrella review of the global evidence. Epidemiol Health. DOI:10.4178/epih.e2020038
- Losada-Baltar, A., et al. (2020). « »We’re staying at home ». Association of self-perceptions of aging, personal and family resources and loneliness with psychological distress during the lock-down period of COVID-19. » J Gerontol B Psychol Sci Soc Sci.
- Ren, X., et al. (2020). Mental Health During the Covid-19 Outbreak in China: a Meta-Analysis. Psychiatric Quarterly.
- Röhr, S. et al. (2020). [Psychosocial Impact of Quarantine Measures During Serious Coronavirus Outbreaks: A Rapid Review]. Psychiatr Prax, 47(4), 179-89.
- Salari, N., et al. (2020). Prevalence of stress, anxiety, depression among the general population during the COVID-19 pandemic: a systematic review and meta-analysis. Globalization and Health, 16.
- Talevi, D. et al. (2020). Mental health outcomes of the CoViD-19 pandemic. Riv Psichiatr, 55(3): 137-144.
- Tan, W., et al. (2020). « Is returning to work during the COVID-19 pandemic stressful? A study on immediate mental health status and psychoneuroimmunity prevention measures of Chinese workforce. » Brain Behav Immun.
- Wang, C., et al. (2020). « Immediate Psychological Responses and Associated Factors during the Initial Stage of the 2019 Coronavirus Disease (COVID-19) Epidemic among the General Population in China. » Int J Environ Res Public Health 17(5).
- Wang, C., et al. (2020). « A longitudinal study on the mental health of general population during the COVID-19 epidemic in China. » Brain Behav Immun.
- Zhang, Y. and Z. F. Ma (2020). « Impact of the COVID-19 Pandemic on Mental Health and Quality of Life among Local Residents in Liaoning Province, China: A Cross-Sectional Study. » Int J Environ Res Public Health 17(7).
Voir aussi
Impacts de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale des jeunes