Le CRISE, la COVID-19 et la prévention du suicide

Mardi 14 avril 2020

Le CRISE, la COVID-19 et la prévention du suicide

Comme pour presque tout le monde, le travail à distance est de rigueur au CRISE et, dans la mesure du possible, nous continuons nos activités dans ce contexte anxiogène que nous n’avons jamais vécu auparavant. Nous vivons tous dans des circonstances ou le monde stable, relativement prévisible, a changé et nous ne savons pas encore l’envergure des impacts de la COVID-19 à moyen et à long terme. Déjà, on subit des effets dans l’ensemble de notre vie quotidienne et ceux et celles qui sont malades, qui ont des proches malades et hospitalisés et pour les personnes en deuil, nous éprouvons de l’empathie, voire de la sympathie.

Dans ce contexte, le CRISE poursuit ses activités de recherche, mais au ralenti et dans la mesure du possible compte tenu des contraintes réelles. À l’interne, nous faisons une recension de l’impact des situations semblables sur le suicide et sa prévention. Cependant, il n’y a pas de situation directement comparable. Il semble que nous allons avoir plus de décès dans le monde des épidémies du dernier siècle. Même si l’humanité a vécu des épidémies dans le passé, nous vivons dans un contexte moderne qui comprend des facteurs de risque et des facteurs de protection qui n’existaient pas dans le passé. Nous vivons une situation de quarantaine qui va probablement durer au moins les 40 jours conçus pour l’isolement avant les connaissances scientifiques d’aujourd’hui. Mais en même temps, nous avons des méthodes de communication et l’accès aux outils de travail et d’amusement par le biais de l’internet et notre réseau de téléphone cellulaire qui rendent l’isolement moins solitaire que dans le passé.

Alors, quel sera l’impact de la COVID-19 sur le suicide et les taux de suicide au Québec, au Canada et dans le monde? Les recherches indiquent qu’il y a certainement une augmentation du stress et de l’anxiété, mais nous ne savons pas si cette détresse augmente le risque suicidaire des personnes qui sont déjà vulnérables. Il y a une augmentation importante des appels aux CPS et autres lignes d’intervention et d’écoute. Mais en général, on ne remarque pas d’appels de personnes qui sont devenues suicidaires à cause de la COVID-19 ou même de personnes qui ont un risque suicidaire plus élevé à cause de la situation actuelle. La grande majorité des nouveaux appelants sont des personnes qui vivent du stress et de l’angoisse et qui ont besoin d’aide et d’en parler. Il existe quand même une population déjà à risque plus élevé de suicide, qui souffre de problèmes de santé mentale, mais qui sont actuellement privés des contacts avec leur thérapeute, psychiatre, travailleur social ou autre personne et privés de leurs activités de soutien, par exemple les centres de jour, thérapies et groupes de soutien communautaires. Si ces personnes se trouvent davantage isolées et sans soutien émotif, elles peuvent devenir plus à risque suicidaire.

Quand on regarde les recherches sur les taux de suicide pendant les événements du passé, on apprend que quand il y a perception d’un « ennemi » externe, ainsi qu’une mobilisation collective pour lui faire face, on trouve souvent une diminution du risque suicidaire. Nous ne savons pas jusqu’à quel point au Québec on a l’impression de confronter ensemble l’épidémie de COVID-19 et de vivre ainsi un sentiment de complicité dans la lutte de survie avec les autres citoyens. Le soutien du premier ministre, du directeur de la santé publique et d’autres membres du gouvernement tendent à suggérer qu’on peut vivre ce sentiment de complicité et qu’on peut espérer que ce sentiment aura pour effet de diminuer le risque suicidaire. Mais même si le taux de suicide n’augmente pas durant la période de crise et de quarantaine, ça ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’augmentation des taux de suicide à moyen ou long terme. Après la fin de la situation de crise actuelle, l’impact sur les taux de suicide dépendra en partie des difficultés économiques et de la perception de la population concernant l’espoir pour l’avenir. Nous savons que souvent (mais pas toujours), une augmentation du chômage est associée à une augmentation des taux de suicide. Mais un des facteurs médiateurs est le niveau d’espoir dans la population que la situation s’améliorera bientôt. Alors, les politiques pour réanimer l’économie après la période de quarantaine et leur efficacité pourraient avoir une influence sur les taux de suicide, particulièrement si le pourcentage des personnes sans emploi augmente beaucoup et reste augmenté. Mais, il est aussi possible que malgré une période avec l’économie au ralenti, la population conserve un sentiment d’espoir, complicité et entraide, le sentiment que malgré la situation difficile, ce sera nettement mieux dans un avenir rapproché. On peut potentiellement éviter une augmentation du suicide et même, possiblement, voir un déclin des taux de suicide dans la prochaine année.

J’invite les membres du CRISE, ses partenaires et les étudiants associés au CRISE, à m’écrire pour faire part de vos pensées. Si vous êtes d’accord, et s’il y a assez de réflexions, nous pouvons les disséminer dans un prochain bulletin du CRISE.

J’espère que vous allez tous faire très attention et être prudents dans les semaines à venir et que dans la mesure du possible, nous allons profiter des nouvelles expériences avec une quarantaine des relations interpersonnelles dans le même espace et une augmentation des communications en cyberespace. Je vous souhaite une bonne santé. N’hésitez pas à me contacter ou à communiquer avec d’autres membres du CRISE : nous travaillons tous à distance.

Brian

Brian L. Mishara, PhD
Directeur, CRISE
Professeur, Département de psychologie, UQAM
mishara.brian@uqam.ca

Pour contacter le secrétariat du CRISE, vous pouvez écrire à : crise@uqam.ca

Les opinions exprimées ci-dessus sont celles du directeur du CRISE, Brian Mishara. Ce n’est pas une prise de position du CRISE.