Les milieux de travail peuvent devenir des acteurs clés

Mercredi 10 septembre 2025

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Les milieux de travail peuvent devenir des acteurs clés de la prévention du suicide  

Le 10 septembre marque la Journée mondiale de la prévention du suicide. C’est l’occasion de rappeler que chaque année au Québec, environ 1 100 personnes s’enlèvent la vie, ce qui représente trois décès par jour. Ces chiffres ne sont que la pointe de l’iceberg. En 2023, 3 603 personnes ont été hospitalisées à la suite d’une tentative de suicide, et en 2024, 41 453 se sont présentées aux urgences en raison d’idées suicidaires[1]

Les comportements suicidaires sont plus fréquents chez les 15 – 64 ans[2], soit la tranche d’âge correspondant à la population active. Ce constat met en lumière le rôle que peuvent jouer les milieux de travail en matière de prévention du suicide, d’autant plus que les adultes y passent souvent entre 35 et 40 heures par semaine[3].  

Les milieux de travail sont aussi des milieux de vie, où les employés tissent des liens significatifs et partagent des aspects de leur vie personnelle. Avant de s’enlever la vie, les personnes suicidaires présentent généralement des signes de détresse perceptibles à leur entourage. Le milieu de travail offre ainsi un cadre propice pour repérer ces signes et intervenir auprès des personnes en difficulté.  

À partir du 6 octobre 2025, les employeurs et travailleurs québécois devront se conformer à la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (Loi 27). Certains changements apportés au régime obligent désormais les milieux de travail à identifier les risques psychosociaux (ex.: harcèlement, stress, surcharge de travail, etc.) liés au travail et à intégrer des mesures préventives à leur programme de prévention en santé et sécurité du travail. Il s’agit d’une avancée sociale significative pour le Québec.  

La mise en œuvre de la Loi 27 représente une occasion de réfléchir collectivement à ce qui peut être fait pour que les milieux de travail deviennent des environnements favorables à la santé mentale. C’est aussi une occasionpour les employeurs de s’engager envers la prévention du suicide et d’intégrer cette préoccupation à leur programme de prévention.  

La prise en charge des risques psychosociaux constitue une première étape dans la prévention du suicide en milieu de travail. En réduisant l’exposition à ces risques, on peut prévenir l’apparition de troubles de santé mentale, un important facteur de risque du suicide.  

Toutefois, cette approche est insuffisante, car le suicide est un phénomène complexe résultant d’une combinaison de facteurs psychologiques et sociaux: exposition à des évènements potentiellement traumatiques, isolement social, désespoir, stigmatisation, difficultés à demander de l’aide, accès à une méthode de suicide, etc. Chacun de ces éléments représente un levier d’action. Les employeurs qui souhaitent s’engager activement peuvent donc aller plus loin dans leurs efforts de prévention.   

Plusieurs organisations, telles que l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) et les Centres de prévention du suicide (CPS), ont d’ailleurs développé une offre de services pour accompagner ces employeurs. Les milieux de travail peuvent, par exemple, organiser des campagnes de sensibilisation pour favoriser la reconnaissance des signes de détresse, réduire la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale, encourager la demande d’aide et faire connaître les ressources disponibles. Ils peuvent également offrir un programme d’aide aux employés, former certains membres du personnel à repérer les signes de risque suicidaire et se doter d’un plan d’intervention en cas de suicide dans leur milieu.  

Cette collaboration autour de la prévention du suicide en milieu de travail doit également inclure des centres de recherche, tels que le Centre de recherche et d’intervention sur le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie de l’UQAM. À ce jour, à peine une vingtaine d’études ont été publiées sur la prévention du suicide en milieu de travail[4]. Bien que les résultats s’avèrent prometteurs, il incombe aux instances décisionnaires et à la communauté de la prévention du suicide québécoise de s’assurer au moyen de recherche que les initiatives de prévention du suicide en milieu de travail produisent les effets attendus[5].

La prévention du suicide est une responsabilité partagée, et c’est en travaillant ensemble que nous pourrons faire une réelle différence. Les milieux de travail peuvent contribuer activement à cet effort collectif, et nous les encourageons à emboîter le pas.

Signataires (chercheurs et chercheuses du CRISE) :
Cécile Bardon
Wassim Bouachir
Jean-Daniel Carrier
Louis-Philippe Côté
Luc Dargis
Christine Genest
Brian Greenfield
Toula Kourgiantakis
Réal Labelle
Alain Legault
Nathalie Maltais
Brian Mishara
Jessica Rassy
Michel Tousignant
Georgia Vrakas


[1] Levesque, P. & Perron, P. A. (2025). Les comportements suicidaires au Québec : Portrait 2025. Québec, Bureau d’information et d’études en santé des populations, Institut national de santé publique du Québec. 78 pages.

[2] Levesque, P. & Perron, P. A. (2025). Les comportements suicidaires au Québec : Portrait 2025. Québec, Bureau d’information et d’études en santé des populations, Institut national de santé publique du Québec. 78 pages.

[3] Heures hebdomadaires habituelles moyennes pour l’ensemble des emplois, résultats selon le genre pour diverses caractéristiques de la main-d’œuvre et de l’emploi, Québec, Ontario et Canada, 1976-2024, https://statistique.quebec.ca/fr/document/heures-hebdomadaires-et-annuelles/tableau/heures-hebdomadaires-habituelles-moyennes-pour-lensemble-des-emplois-resultats-selon-le-sexe-pour-diverses-caracteristiques-de-la-main-doeuvre-et-de-lemploi-quebec-ontario-et-canada#tri_tertr=50040&tri_sexe=1

[4] Hallett, N., et al. (2024). « Workplace interventions to prevent suicide: A scoping review. » PLoS One 19(5): e0301453.

[5] Hallett, N., et al. (2024). « Workplace interventions to prevent suicide: A scoping review. » PLoS One 19(5): e0301453.